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1er juillet, Georges Vanier et moi, par Thérèse Bouchez

This article was written as part of the Peter-McGill Community Council’s Citizen Journalism project, which aims to raise the voices of local residents, students and friends of the neighbourhood through writing, photos, videos and podcasting. If you would like to contribute please get in touch at communicationpic@petermcgill.org or 514-424-6614

Lors de la Fête de la Confédération canadienne, la Fondation Vimy rappelle à ses sympathisants que la bataille victorieuse de Vimy en France il y a 102 ans fut le « moment charnière où le Canada est passé à l’âge adulte et a ensuite été reconnu sur la scène mondiale».

A la lecture de ces lignes, la question d’un jeune « québécois de souche » à la néo-canadienne âgée que je suis me revient à l’esprit : « Quand avez-vous entendu parler du Canada pour la première fois ? Et comment ?» – Au berceau, car tous les dimanches, nous allions voir notre grand-père maternel à Aix-Noulette, au pied de la crête de Vimy. Au loin, nous apercevions le monument canadien qui est maintenant reproduit sur les billets de 20 $.

Je me souviens d’avoir interrogé ma mère à 4 ans : « Le monument canadien, c’est quoi ? » « – Un monument aux morts, aux soldats venus du Canada pour libérer la France en 14 ». Autour d’Arras, ma ville natale et celle de mes ancêtres depuis 350 ans, les monuments aux morts des guerres mondiales abondent. Ils expriment la douleur et le souvenir des mères patries et l’immense gratitude des gens d’Artois envers les soldats venus du monde entier se battre, au péril de leur vie, pour que notre pays retrouve sa liberté … et mes parents et grands-parents, leurs maisons occupées par l’envahisseur quand elles n’avaient pas été détruites par les bombardements ! Parmi eux, le monument canadien se distingue par ses dimensions et son allure, magnifiées par son emplacement en haut de la crête.

En face du monument canadien, de l’autre côté de la route que nous prenions, les ruines de la façade de l’église abbatiale du Mont St-Eloi offraient une architecture qu’il m’était facile de reconnaître, car au début des années 50, bien des monuments détruits à Arras pendant la seconde guerre mondiale, tels les célèbres places hispano-flamandes, n’avaient pas encore été reconstruits. Toujours épaté par leur stratégie, Papa –qui avait connu les deux guerres mondiales- nous racontait comment les Anglais[i]  avaient creusé des souterrains depuis chez nous jusqu’à cette église en ruines ; les Canadiens en étaient sortis à l’aube de Pâques 1917, prenant de court l’ennemi stupéfait.  Les Terre-Neuviens, qui n’avaient pas encore rejoint la Confédération canadienne, s’étaient battu à leurs côtés, en témoigne le magnifique et poignant caribou dressé à Monchy-le-Preux à leur mémoire.

Et quand je demandais à une grand-mère du village, amie de la famille et experte en botanique, qui elle aussi avait connu la 1re guerre mondiale, le nom des jolis buissons avec de petites boules blanches en automne-hiver sous lesquels j’aimais jouer et que je n’avais jamais vus ailleurs, elle répondit : « Ce n’est pas de chez nous. Votre propriété était un champ de bataille, et vos caves, le poste avancé de l’état-major des Anglais. C’est sans doute un Canadien qui a ramené une bouture de chez lui ! »

Il y a quelques années, grâce à l’inauguration du Mémorial de la Carrière Wellington que mon père avait tant souhaité, j’ai découvert l’importance historique de la propriété où j’ai grandi. Le Capitaine Georges Vanier -dont une station de métro près de notre quartier Peter-McGill porte le nom-, commandant du 22e bataillon, futur gouverneur général du Canada et père de Jean Vanier, le fondateur de l’Arche, a perdu une jambe à 10 km de chez moi lors de la bataille de la Scarpe en 1918. La grand-mère botaniste avait raison : les jolis buissons sous lesquels je jouais dans ma petite enfance sont des symphorines blanches, originaires du Canada. Sous ces buissons, lors de travaux de terrassement en 2005, un promoteur immobilier a trouvé une très importante réserve de munitions datant de 14-18. Se pourrait-il que ce soit Georges Vanier qui ait planté ces symphorines, pas seulement en souvenir de son Canada, mais comme point de repère pour ses soldats dans cette terre dévastée par les bombardements ? Ces symphorines devenues 32 ans plus tard les parois de la « villa » des jeux de ma petite enfance…

Thérèse Bouchez- Montréal, 9 juillet 2019


[i] Sous le commandement des Anglais, on trouvait des troupes venues de tout le Commonwealth, notamment d’Afrique du sud, d’Australie, du Canada, de l’Inde, de Nouvelle-Zélande, de Terre-Neuve et bien sûr, de Grande-Bretagne. Le réseau souterrain conçu et bâti autour de caves existantes au centre-ville d’Arras et d’une carrière de pierre souterraine fut l’œuvre de la New Zealand Engineers Tunneling Company.