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Je suis devenue mon futur en 2007

Cet article a été soumis dans le cadre du projet Journalisme Citoyen de la Table de quartier Peter-McGill. Veuillez noter que les opinions exprimées dans ces articles ne reflètent pas nécessairement celles de la Table. Le projet vise à faire entendre les voix des résident.e.s et ami.e.s du quartier par des soumissions d’articles, de photos, de vidéos et de balados. Intéressé.e à contribuer? Contactez-nous au benevolat@petermcgill.org!

Je suis devenue mon futur en 2007
par Djamila Mostefai

Dans le cadre d’une entrevue avec Djamila Mostefai, le Journal Citoyen lui a demandé de répondre à l’écrit à deux simples questions futiles : Peux-tu me parler de toi? Comment vois-tu ton futur ? 

Voici comment Djamila, étudiante au cégep Dawson, nous a répondu:

Je fréquente beaucoup d’étudiants. Chaque jour est aussi mouvementé par les hauts et les bas du cégep que le dernier. Parmi la ferveur des examens finaux et des projets de fin de session, j’ai toutefois pu observer une constante plutôt amère chez une majorité des jeunes. La folie de la révision et le temps passé a méticuleusement sculpté une cote R de rêve ont tendance à distraire de la lourde vérité… Savoir pourquoi nous chassons frénétiquement un chiffre sur un essai, sacrifiant sommeil et état d’âme sur notre passage, est un privilège. Plusieurs attendent encore qu’une passion pousse soudainement, ou qu’un passe-temps se développe en grand amour. Je dois admettre que je n’ai jamais compris ce concept. Je crois fermement que la réponse à : «Que veux-tu faire dans le futur ?» ne peut se répondre qu’au présent. 

Je suis devenue mon futur en 2007. Suite à une immigration soudaine, j’ai cessé de parler pendant plusieurs années. Assez curieusement, j’ai énormément de gratitude pour ce phénomène psychologique handicapant. Sans voix, il m’a fallu chercher une autre langue. Au cours de mon enfance singulière, j’ai navigué une mer d’art à la recherche de mon trésor; une véritable voix. 

J’ai grandi derrière la caméra, un stylo à la main et un pinceau dans l’autre. Ma timidité était une faiblesse à l’école, mais une arme secrète dans le monde extérieur. Je peux confirmer que la perte d’un sens ne fait qu’amplifier un autre. En effet, sans parole, je n’ai pu qu’observer. Aujourd’hui, je n’éprouve plus aucun problème avec le monde verbal (ironiquement, je suis plutôt extravertie et j’anime souvent des événements), mais aucune conversation ne peut être comparée au silence bavard qu’est l’observation.

Mon entrée au cégep à Montréal n’a fait que clarifier cette raison d’être. Ayant grandi dans une petite ville, la grandiosité de la diversité du quartier Peter-McGill m’a touchée. La rue Sainte-Catherine, aussi banale et ordinaire qu’elle peut sembler, a été une inspiration étouffante à mes yeux, habitués aux mêmes riverains, fréquentant les rues de Boucherville  depuis des années. Une personne différente, avec une voix et une histoire différente à chaque coin de rue. Wow.

Je suis devenue mon futur en 2007, car j’ai dû vivre avec une communication atypique. Mon futur consistera à partager le micro avec les personnes qui ne possèdent pas le privilège d’une voix, avec ceux et celles qui reflètent mon passé.

Djamila Mostefai, 2022.